Anticiper les conséquences de l’arrêté DPE du 25 mars 2024

Vous pensiez résoudre les problèmes liés à la surface habitable (SHAB) et au DPE grâce à la nouvelle surface de référence ? L’arrêté du 25 mars 2024 risque de doucher vos espoirs. Par ailleurs, l’évolution des seuils des étiquettes et l’actualisation des tarifs de l’énergie obligeront le diagnostiqueur à faire de la pédagogie. Ce texte constitue peut-être une solution au mauvais DPE des petits logements, mais il crée d’autres problèmes à régler.

ÉVOLUTION DU DPE DES PETITES SURFACES

Rappelons d’abord la raison d’être de l’arrêté paru ce week-end. Il vise à réduire la proportion de logements de petites surfaces classés en passoires thermiques. A priori, cet objectif sera atteint pour de nombreux logements de moins de 40 m2. Selon l’exécutif, 140 000 logements pourraient ainsi rester éligibles à la location.

À partir du 1er juillet 2024, date d’entrée en vigueur de l’arrêté, l’ADEME générera l’attestation. Ce document tient lieu de nouvelle étiquette DPE, sans modifier le calcul, les travaux recommandés, ni la durée de validité du DPE initial. Il concerne uniquement les DPE réalisés du 1er juillet 2021 au 1er juillet 2024 lorsque la surface de référence est inférieure ou égale à 40 m2.

En théorie, les diagnostiqueurs n’interviennent pas dans ce processus. Ils doivent seulement jouer au jeu des petites passoires thermiques. Le changement de classe se fait sans eux. En pratique, c’est plus compliqué pour deux raisons. D’abord, la surface à prendre en compte n’est plus la surface habitable à laquelle s’ajoutent les vérandas chauffées. Elle devient la surface de référence. Ensuite, cette Sref entre en vigueur le 1er juillet 2024.

SURFACE DE RÉFÉRENCE VERSUS SURFACE HABITABLE

Depuis le projet d’arrêté de février 2024, la définition de la surface de référence a évolué positivement. À l’origine, c’était la « la surface habitable du logement au sens du R.111-2 du code de la construction et de l’habitation, à laquelle il est ajouté les surfaces des vérandas chauffées, ainsi que les surfaces des locaux transformés en pièces de vie ». Or, cette notion de pièce de vie était problématique, outre le renvoi à un article du CCH abrogé.

La consultation publique autour du projet d’arrêté avait suscité un intérêt important avec 127 contributions. Beaucoup d’entre elles portaient sur cette nouvelle surface de référence, qui reste considérée chauffée en permanence. Elles ont vraisemblablement entraîné la modification de la définition initiale. La Sref, qui remplace la Sh/SHAB, est finalement égale à :

La surface habitable au sens du R.156-1 du CCH,
plus les surfaces des vérandas chauffées,
plus les surfaces des locaux chauffés pour l’usage
principal d’occupation humaine, d’une hauteur sous
plafond
d’au moins 1,80 mètre.

CONSÉQUENCES DE LA SREF SUR LE DPE

Cette définition permet notamment d’inclure un sous-sol aménagé chauffé d’une hauteur sous plafond d’au moins 1,80 mètre. Or, d’un point de vue réglementaire, un sous-sol est par nature impropre à l’habitation. On en arrive à un résultat paradoxal pour les dépendances et surfaces annexes, mais aussi pour les biens en sous-sol. Ils pourraient, par exemple, ne pas avoir de surface habitable, tout en ayant un DPE.

De plus, l’interprétation de la surface de référence aura des conséquences sur les ponts thermiques, les recommandations du DPE, etc. À la lecture, le texte laisse entendre que tout local chauffé avec une hauteur suffisante sous plafond s’intègre à la surface de référence. L’expression « usage principal d’occupation humaine » n’existe que dans cet arrêté. En tout cas, vous ne la trouverez nulle part ailleurs sur Légifrance.

PÉDAGOGIE DU DIAGNOSTIQUEUR

L’arrêté du 25 mars 2024 actualise les tarifs annuels d’énergie, ce qui est en soi une bonne nouvelle. En effet, l’irréalisme de ces données, dans un contexte de hausse des factures d’énergie, nuisait à la crédibilité du DPE. Toutefois, dans certains cas, cette modification va augmenter fortement l’estimation des coûts annuels d’énergie.

Or de nombreux propriétaires soulignent déjà le décalage entre leur consommation réelle d’énergie et l’estimation qui en est faite dans le DPE. S’ils ont autant de difficultés à comprendre que la méthode de calcul du DPE est conventionnelle, établie indépendamment des usages des occupants, c’est notamment en raison de cet indicateur.

En résumé, les diagnostiqueurs auront un gros travail de pédagogie à faire pour expliquer tous ces changements. On peut aussi s’interroger, quoi qu’en dise le Gouvernement, sur la validité des DPE établis avant l’arrivée de la surface de référence. De toute évidence, l’arrêté du 25 mars 2024 ne concerne pas uniquement les logements de petites surfaces.

AU-DELÀ DU DPE DES PETITES SURFACES

Ce texte réglementaire aura des conséquences variables en fonction du type de bien et de sa localisation. D’abord, les propriétaires ayant des caves suffisamment hautes de plafond, par exemple, souhaiteront peut-être refaire le DPE pour les inclure. Le texte s’applique donc aux biens de plus de 40 m2. Ensuite, les propriétaires de maisons de campagne, souvent chauffées au fioul, vont voir leurs factures d’énergie estimées monter en flèche.

Enfin, l’arrêté concerne forcément les ventes et locations de logements de petites surfaces en cours. La note DPE a des conséquences sur le prix du logement et sur le montant du loyer. Or, d’ici le 1er juillet 2024, elle pourrait changer, alors que les négociations préalables à la vente ont déjà eu lieu. Les professionnels de la transaction devront donc porter l’éventuel changement de classe DPE à la connaissance des parties.

ÉCLAIRCISSEMENTS SUR LA RÉALISATION DU DPE

Nous disposerons peut-être de nouvelles informations dans les prochains jours. La parution de l’arrêté devrait en effet susciter des questions et entraîner des réponses des pouvoirs publics. De plus, la nouvelle version du guide DPE du Cerema, à destination des diagnostiqueurs, doit paraître avant le 20 juin 2024. Le nouveau dispositif de formation DPE/audit, dès juillet 2024 également, englobera ces évolutions.

Enfin, la structure AFNOR/X46D « Diagnostics dans les immeubles bâtis » élabore actuellement une norme DPE. Elle permettra d’uniformiser les pratiques et d’éclaircir certains points. Cette norme intégrera nécessairement la Sref et ses conséquences. En revanche, il faudra patienter encore plusieurs mois avant d’accéder à son contenu. En attendant, les prochains mois s’annoncent agités, pour les diagnostiqueurs et pour toute la chaîne de la transaction immobilière.